Ainsi va la vie : Le Préquel

Rose-Marie, adolescente, était dépassée par une situation familiale extrêmement anxiogène. Sa mère, internée en clinique psychiatrique pour trouble bipolaire, n’était plus qu’une ombre d’elle-même. Parfois, on disait qu’elle serait prête à tout, même à troquer son corps contre un paquet de cigarettes. Son père, quant à lui, rentrait chaque soir ivre mort, perdu dans l’alcool, incapable d’assumer le moindre rôle parental.

Livrée à elle-même, Rose-Marie s’était peu à peu transformée en maîtresse de maison. Elle faisait les courses, préparait les repas, remplissait les papiers. Elle n’avait plus le temps d’être une adolescente. Elle n’avait ni amis, ni petit copain. Elle vivait en retrait, isolée, murée dans un quotidien rythmé par la gestion du chaos.

Aller voir sa mère était devenu une véritable épreuve. Chaque visite en clinique se soldait par des insultes. Sa mère, entre deux accès de lucidité, la couvrait d’injures, la rejetait violemment. Rose-Marie redoutait ces rencontres, mais s’y rendait quand même, poussée par un mélange de culpabilité, d’amour confus et d’un espoir fragile.

À la maison, le vide laissé par sa mère n’était comblé par rien — sinon par le silence, l’alcool et la fatigue. Son père, effondré dans son chagrin, n’était plus que l’ombre de lui-même. Il titubait chaque soir, incapable de parler ou de se souvenir de quoi que ce soit. Rose-Marie le soutenait, le couchait, s’occupait de lui comme d’un enfant malade.

Un soir, tout changea. Elle le retrouva écroulé dans le couloir, incapable de bouger. Comme d’habitude, elle le releva sans un mot, l’aida à marcher jusqu’à sa chambre. Les gestes étaient devenus mécaniques, sans émotion, comme si elle avait disparu elle-même dans cette routine insensée.

Mais cette nuit-là, quelque chose bascula. Son père la fixa longuement, les yeux embués de larmes. Il murmura qu’elle ressemblait à sa mère, qu’il se sentait seul, qu’il ne supportait plus cette vie. Il s’effondra contre elle, réclamant un réconfort qu’il ne trouvait plus nulle part.

Rose-Marie, elle aussi perdue et brisée, le serra contre elle. Ce moment de faiblesse tourna bientôt à la dérive. Les gestes devinrent flous, confus, et l’impensable se produisit. Ce n’était ni amour, ni désir, mais une dérive née du désespoir, du vide, et d’un lien brisé.

De cette nuit-là, un enfant naîtrait, fruit d’une douleur indicible.

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Du Court au Long-Métrage

Dans une maison où chaque pièce semble retenir son souffle, Rose-Marie vit sous l’emprise d’une présence trouble : Michaël, plus jeune qu’elle, glisse dans son quotidien avec une autorité silencieuse et inquiétante. On croit d’abord à une liaison amoureuse, mais l’air est saturé d’un malaise que rien ne dissipe.

Samuel, son fils, observe depuis l’ombre. Ses yeux scrutent, sa mémoire vacille entre ce qui est et ce qui ne l’est pas. Les voix qu’il entend, les ombres qu’il voit, sont autant de signaux d’un monde où les repères s’effacent. « Nous sommes tous frères et sœurs en Dieu », murmure-t-il, mantra fragile face à l’incompréhensible. Il se réfugie dans le monde des esprits, conversant avec des présences invisibles, cherchant des réponses à des questions que personne ne peut entendre.
Dans ce chaos, un point de repère demeure : son psychiatre. Plus qu’un médecin, il est son confident, son meilleur ami. Samuel confie ses peurs, ses visions et ses obsessions, trouvant dans ces séances un rare espace de répit, où ses délires et hallucinations prennent sens. Pourtant, même ce lien rassurant est fragile face à la tension croissante dans la maison.
Michaël impose sa présence sans bruit. Ses gestes sont précis, ses silences lourds. Il provoque, manipule, mais derrière cette maîtrise se cache la peur d’une fragilité qu’il refuse de nommer. Chaque confrontation avec Samuel devient un miroir : celui de la domination et de la peur, celui du chaos latent dans la maison.
Rose-Marie se débat entre désir, dépendance et honte. Ses mains cherchent, ses yeux supplient, et chaque rejet de Michaël laisse une cicatrice invisible. Les moments de proximité sont saturés d’une tension électrique, où amour et danger se confondent.
À travers les yeux de Samuel, le spectateur perçoit des indices presque imperceptibles : un geste trop intime, un regard qui hésite, une proximité qui dépasse la normalité. Chaque détail, chaque silence, laisse deviner que la relation n’est pas ce qu’elle semble. Michaël n’est pas seulement un amant ou un intrus ; il est le produit d’un secret ancien, un lien qui rend chaque interaction à la fois nécessaire et impossible.
Le huis clos de la maison devient un labyrinthe émotionnel, où folie, culpabilité et tabou se mêlent. Samuel, entre visions et confidences, entrevoit peu à peu une vérité troublante : derrière les gestes, les paroles et les larmes, se cache quelque chose d’originel, profondément interdit, que la lumière n’ose encore révéler.
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Diego De la Fuintes Photographe et cinéaste

Note d'Intention : Plongée dans la Schizophrénie et les Mondes Invisibles

Avec plus de vingt ans d’expérience en psychiatrie, j’ai toujours été fasciné par la représentation de la schizophrénie à l’écran sous un angle inédit. Ce préquel n’est pas uniquement un film sur la maladie mentale, mais une véritable immersion dans l’esprit tourmenté de Samuel, un jeune homme dont la réalité se désagrège sous le poids de ses hallucinations. Le film joue constamment sur l’ambiguïté : le spectateur se retrouve dans un monde où il devient impossible de distinguer le surnaturel des simples délires de Samuel. Lorsque des objets se déplacent, est-ce un phénomène paranormal ou l’illusion d’un esprit malade ? Cette question persiste tout au long du film, brouillant les frontières entre le monde tangible et les projections mentales de Samuel.

L’objectif est de sensibiliser le public à la souffrance invisible des malades mentaux, souvent incompris et stigmatisés. Samuel incarne cette douleur cachée, un être en proie à des traumatismes familiaux et à la violence, dont la maladie n’est que la partie émergée d’un iceberg de souffrance accumulée. Le film met également en lumière les failles du système psychiatrique, soulignant les dangers auxquels sont exposés ceux qui ne reçoivent pas les soins adéquats.

Bienvenue dans l’univers de Cyberdépendance, un film que j’ai eu le plaisir d’écrire et de réaliser en collaboration avec le Service Jeunesse de la Ville de Rognac et le Mas des Jeunes. Ce projet me tenait particulièrement à cœur car il traite d’un sujet qui touche profondément notre société moderne : l’addiction aux écrans et l’impact qu’elle peut avoir sur les jeunes. Accompagné des talentueux acteurs Magali Lerbey, David Faure, Chris Tomner, ainsi que les adolescents du Collège Commandant Cousteau, ce film met en lumière les dangers et les défis de la cyberdépendance. J’ai voulu offrir un regard sincère sur cette problématique afin de sensibiliser les jeunes et leurs familles à l’importance de trouver un équilibre entre le monde digital et la réalité.

D’amour et d’eau fraîche est un projet cinématographique qui me tient particulièrement à cœur, explorant la profondeur et la fragilité des relations humaines. Le film, porté par un casting remarquable comprenant Tony Simonneau, Delphine Depardieu, et la participation spéciale d’Avi Assouly, navigue entre la tendresse et la poésie. Chaque image, méticuleusement capturée sous la vision inspirée du réalisateur, reflète les nuances subtiles des émotions vécues par les personnages.

Ce court-métrage se veut une réflexion sur l’amour et l’importance des moments simples qui façonnent nos vies. Avec D’amour et d’eau fraîche, j’ai souhaité transmettre l’idée que l’amour, aussi modeste soit-il, peut suffire à rendre chaque instant magique. Cependant, la poésie du film prend une tournure tragique, marquée par une fin poignante où l’enfant se noie, soulignant une ironie sombre dans le titre. Le terme D’amour et d’eau fraîche devient pernicieux, sachant que la mort survient dans cette même « eau fraîche » qui semblait, au départ, synonyme de pureté et de simplicité.

Plongez dans cet univers empreint de délicatesse, où la beauté de l’amour côtoie la brutalité de la vie, et où chaque scène respire une authenticité rare et envoûtante.